Le Bac à Fables

Les campagnes qui m'ont déçu

Pour bien commencer ce blog, je vais faire un article égocentrique. J'espère que parmi celles et ceux qui le liront, il y aura quand même 2-3 "pélo" qui arriveront à s'identifier à mon ressenti.

Ces dernières années, j'ai mené de nombreuses campagnes de jeu de rôle. Mais j'ai souvent été déçu.

Elles n'avaient pourtant pas de problèmes intrinsèques. J'entends par là qu'a priori, je crois que les joueurs s'amusaient. Je pense d'ailleurs que je m'amusais aussi durant la partie. Bien sûr, tout n'était pas mémorable, tout ne se valait pas, il y a eu des bonnes et des mauvaises rencontres, mais j'estime que ces parties n'étaient pas "mauvaises".

La déception dont je parle est plus personnelle. Et elle va plus loin que la partie en tant que telle. Pour comprendre cela, il faut se pencher sur la relation que j'ai avec le jeu de rôle.

Ma première passion

Cela fait 20 ans que je pratique le jeu de rôle, principalement comme maître du jeu. Mais avant de découvrir ses modalités, j'étais déjà obsédé par les histoires, fictives principalement. Je passais mon temps à écrire, dessiner, lire des trucs sur les chevaliers, les dinosaures... Le Weird Kid des 90'-2000 quoi.

C'est pourquoi je pense pouvoir dire que ma passion la plus profonde, ce n'est pas le jeu de rôle.

Avant cela, il y a un élan créatif. J'ai fantasmé des jeux vidéos et des univers plus que je n'ai pratiqué le jeu de rôle. J'ai toujours eu tendance à être "dans mon monde". À envier les auteurs et créateurs d'univers alternatifs.

J'irai même jusqu'à dire que je suis obsédé par mon imaginaire. Aussi bizarre, égocentrique, prétentieux ou génial que cela puisse vous paraitre, c'est la réalité.

Le jeu de rôle comme un medium

Le jeu de rôle, dès le départ, était pour moi un moyen d'expression. Le plus efficace que j'ai trouvé, très probablement. Il allie une combinaison de caractéristiques que je ne retrouve nulle part ailleurs :

Possibilités infinies

Je crois que c'est le seul medium que je connaisse qui a ce pouvoir. Le jeu de rôle permet de créer sans aucune limite ou contrainte matérielle. C'est le bac à sable ultime. On a besoin de rien pour faire du jeu de rôle.

On peut en faire seul, à distance, par écrit, dehors comme dedans.

Les seules limites du medium sont celles qu'on se fixe. (Et le temps bien sûr, la constante de tout).

Le jeu de rôle est à mi-chemin entre introspection et extraversion

Le jeu de rôle permet de s'évader à l'intérieur de soi AVEC les autres. Il crée une sorte de connexion avec un monde partagé, mais qu'on expérimente à travers une interface propre à chacun de nous : notre imaginaire.

Bien qu'on puisse utiliser des cartes, des figurines, des costumes, des musiques... Tous ces éléments ne seront jamais qu'un tout petit pourcentage de l'expérience vécue. Les choses sont en mouvement dans nos têtes. C'est le cerveau qui les anime.

X Parfois, les aspects matériels susmentionnés peuvent parasiter l'imaginaire, mais ce n'est pas le sujet ici. X

Le jeu de rôle, c'est aussi du jeu

J'aime que le jeu de rôle soit aussi un jeu. Avec ses contraintes, sociales et ludiques. Le medium n'a pas de limite, mais chaque table, univers, pratique... Est définie par un cadre. Un système même.

Toute la réflexion sur ce cadre est passionnante. Les challenges qu'on peut s'imposer aussi. Les postures qu'on choisit de prendre également.

Est-on là pour raconter une histoire ensemble ? Ou pour dénouer une intrigue ? Va-t-on s'immerger dans la peau d'un autre, le monde d'un autre ? Ou bien être co-auteurs d'un univers émergent ?

La matière imaginaire est infinie... Reste à nous de déterminer ce qu'on va en faire.

Tous ces facteurs font que le jeu de rôle est ma seconde passion.

C'est d'ailleurs parce que c'est ma seconde passion, et pas la première, que récemment, certaines des campagnes que j'ai menées m'ont déçu.

Jouer pour jouer

Je ne suis pas sûr d'aimer faire du jeu de rôle pour faire du jeu de rôle. Une bonne partie de jeu de rôle, c'est un moment agréable. Je ne dis pas le contraire.

Mais... j'ai le sentiment que ce qui me plaît avant tout, c'est de voyager dans mon imaginaire PUIS de le partager. Pas l'un avant l'autre, pas l'un sans l'autre.

Ce que j'entends par là, c'est que j'aurais beau faire 10 parties de jeu de rôle par semaine, ce n'est pas ça qui va me combler.

ATTENTION : C'est le moment où je vais essayer de faire simple, alors que c'est très confus dans ma tête, mais je crois que ce que je cherche vraiment, c'est...

Penser un univers/histoire -> créer la structure -> inviter d'autres à l'expérimenter

Dans cet ordre, et sans oublier aucune étape. Chaque fois que je fais différemment, j'ai le sentiment qu'il me manque quelque chose, le graal, le feu... Ce truc en plus que les autres campagnes n'ont pas.

Une sorte d'expérience holistique.

Et j'en reviens à ce que je disais plus haut... Ça n'a pas grand-chose à voir avec le "résultat". Ce ne sont pas les parties de jeu de rôle en tant que telles que je pointe du doigt. (bien sûr, il y a énormément à dire à ce sujet, mais chaque chose en son temps)

Mais revenons à "l'expérience holistique". Il s'agit d'un processus.

Le Chaos des idées

Tous les jours, je pense avoir de nouvelles idées. Mais c'est une illusion. En réalité, je crois qu'il n'y a pas grand-chose de nouveau. Ce sont plutôt des envies passagères, plus ou moins intenses. Des idées qui ressurgissent, des souvenirs, des concepts.

Peut-être qu'elles s'imbriquent différemment... Mais je ne pense pas qu'elles soient particulièrement neuves.

Ce qu'il y a de nouveau, c'est l'extérieur. Ce sont les expériences vécues, les choses que je "consomme", les rencontres que je fais, les événements que je subis. Le nouveau se trouve dans le futur.

Hum... bref.

Dans ce chaos, il y a une chose qui m'intéresse. La matière première de ce qui va suivre.

Une idée qui se précise, c'est ça dont j'ai besoin.

Je n'ai sincèrement pas la capacité de vous expliquer comment une idée se précise.

Je crois néanmoins passer toujours par ces étapes :

Comme vous le voyez, c'est long, douloureux, absolument pas fun.

Mais je vais être honnête : c'est la première étape de toutes mes meilleures campagnes.

Toutes les campagnes que j'ai lancées :

... Aucune ne m'a permis d'accéder au "Graal". J'ai passé de bonnes soirées à les jouer, j'ai découvert des jeux, tester des trucs qui m'ont nourri plus tard, MAIS le feu s'est rapidement essoufflé, parce qu'elles ne me donnaient pas la satisfaction "d'accoucher" d'une création dont je suis fier.

Donc... c'est dommage... Mais le début est douloureux ^^ Heureusement, la suite, c'est le pied.

La seule conclusion que j'en tire, c'est que je dois m'armer de patience. Même si je suis un partisan de l'action, que j'ai tendance à créer, créer, créer, partager, partager... Les bonnes campagnes sont celles qui partaient d'une idée précise, et d'une envie non seulement brûlante, mais aussi profonde, qui me colle des semaines durant, et qui se bat avec des dizaines d'autres idées que je dois tour à tour discriminer, écarter... encore... dégage s'il te plaît l'idée !

L'idée se transforme en monstre

Le plus dur, c'est de trouver le moment où l'idée est suffisament précise et excitante.

Le processus de structuration est quant à lui plaisant. Je me demande en écrivant ces lignes, si ce n'est d'ailleurs pas ça le moment de bascule : le moment où on se rend compte que l'idée devient vraiment agréable à travailler.

Agréable, c'est le mot. Et ça ne signifie pas facile. J'adore créer, beaucoup, mais je sais que c'est du travail.

Le travail, c'est toujours un peu difficile : de s'y mettre, de ne pas se décourager au premier obstacle, de trouver le temps (parce que c'est pas du "travail travail" hein..., on va pas pousser mémé dans les orties non plus, y'a d'autres choses qui passent avant).

Ce qui rend ce travail agréable, c'est de voir grossir la bête. On crée des personnages, des situations, des lieux clés, on écrit, on dessine, le tout en musique.

Cela ressemble à l'étape précédente, mais ça n'a rien à voir. Avant, il s'agissait de lutter contre d'autres options, d'accepter de ne pas être complètement original, de refuser de lancer une campagne "à l'arrache" parce que l'attente est trop longue, de jeter des brouillons à la pelle.

Maintenant, il s'agit d'étoffer, de peupler, de donner vie à l'univers.

Le plus plaisant, c'est que maintenant que l'idée est devenue une obsession, que la machine est en marche... Les autres œuvres que l'on touche deviennent, non plus des idées concurrentes, mais du carburant. On ne se laisse plus séduire par l'option de tout recommencer à zéro, parce qu'on a le doigt pris dans l'engrenage. C'est comme si le chaos se mettait à converger dans une direction.

Ce n'est pas un moment dénué de stress non plus. Parce que ce qui gonfle aussi, ce sont nos attentes ! Quand va-t-on proposer la partie ? Va-t-on trouver des joueurs ? Est-ce que cet univers en inflation constante est encore cohérent ? Mais où est donc passée mon idée initiale ? Haaaaaaa.

Entrez, je vous en prie... faites comme chez vous !

C'est seulement quand cet univers est devenu une seconde réalité pour moi que je peux en ouvrir avec appréhension la porte.

La première partie est en général un régal de bon stress. Comme la révélation d'un tableau qu'on a peint des mois durant. Sauf que là, il faut encore assurer dans les heures qui suivent. Ce souvenir de tous les petits détails de l'univers, arbitrer les actions des joueurs, ne pas oublier les règles...

Jouer ! Enfin jouer !

MAIS MAIS MAIS

Pas seulement jouer. Révéler quelque chose qu'on a eu a coeur de construire des jours durant. Et qu'on va prendre plaisir à développer encore, et à voir nos joueurs détruire.

Vous le ressentez ce truc vous aussi ? Je suis sûr que vous l'avez déjà ressenti. Peut-être pas pour du jeu de rôle. Peut-être pour une autre passion, un autre élan créatif.

J'ai ressenti ça pour des concerts auxquels j'ai participé. C'est le seul truc que je trouve comparable de mon côté.

Mais ce n'est pas encore tout à fait pareil. Il s'agissait de gros projets collectifs, et je n'avais pas créé grand chose, j'interprétais.

Cependant ça demandait de l'investissement, l'approche de l'événement faisait monter la tension, et le résultat n'était qu'une partie de l'expérience globale.

Bref qu'est ce que je raconte ?

Conclusion

Les campagnes qui m'ont marquées sont celles qui m'ont bouffé de l'intérieur. Quand j'essaye de prendre des raccourcis, d'éviter la douleur des premières étapes, je n'ai "que" la partie de jeu de rôle. C'est très bien, mais il me manque quelque chose.

Je vais m'arrêter là parce que je me sens déjà un peu ridicule. C'est quand même pas très pudique ce qu'il vient de se passer. C'était mon premier article écrit, et c'était dur. Mais je suis content.

Je terminerais par dire que malgré tout ce que vous avez pu lire, j'adore le jeu de rôle. C'est ma seconde passion, après "faire quelque chose de mon imaginaire". C'est le hobby qui est le meilleur medium que j'ai trouvé. Et ce n'est pas difficile de faire du jeu de rôle, et encore moins désagréable, tant qu'on est en bonne compagnie.

J'espère que ce texte aura parlé à quelqu'un d'autre. A la revoyure !