II - Je hack les barrières de l'éternel recommencement
En écrivant cet article, j'écoute ça : Open in new tab
4ᵉ article !
J'enchaine avant que ça ne soit plus clair dans ma tête.
En plus, je suis tranquille ce WE, j'en profite.
Je pense qu'après celui-là,
j'aurais fait le tour des trucs "perchés" pour un moment.
(Je pense = j'espère)
On va enfin passer au COMMENT préparer une Grande Campagne.
Et le tout début, c'est le plus difficile.
Parce que je suis victime d'une malédiction.
Par chance, j'imagine qu'on n'est pas tous dans le même bateau.
Mais pour celles et ceux qui sont maudits comme moi,
j'ai réfléchi à un petit hack perso,
que vous pourrez peut-être copier de votre côté.
La malédiction en question, c'est l'éternel recommencement.
Je n'ai PAS vraiment un univers maison.
Chaque campagne (grande ou pas), c'est un nouveau départ complet.
J'envie les personnes qui ont un ou deux settings de cœur,
qu'ils maitrisent sur le bout des doigts.
J'envie ceux qui ont mené jusqu'au bout l'idée de faire jouer des campagnes dans un même univers "de base"...
Parce qu'ils ne se tapent pas en boucle les mêmes barrières de début de projet.
Pour ma part, c'est plutôt comme si une météorite frappait mon univers de jeu à la fin de chaque campagne.
Tout redevient poussière, et il faut repasser par toutes les étapes de l'évolution pour en revenir à quelque chose que j'estime jouable et digne d'une grande campagne.
C'est long, on ne va pas se mentir.
Mais si ce n'était que ça, à la limite, ça irait.
Parce que c'est sympa de commencer des nouveaux projets,
de changer d'esthétique, de redessiner une carte,
J'AIME faire ça.
Du coup pourquoi s'en priver ?
Non, ce qu'il me faut, ce n'est pas vraiment un cadre de jeu que j'exploite encore et encore.
Ce qu'il me faut, c'est un moyen de redémarrer une Grande Campagne,
sans repartir du tout tout tout début.
Une sorte de clé pour déverrouiller les premières barrières.
Les barrières
Attention, là ça va devenir débile.
Les liens de cause à effet
J'ai un besoin de cohérence interne.
La moindre petite idée que je mets dans mon cadre de jeu
doit avoir un peu de sens à mes yeux.
Pour que celui-ci supporte une Grande Campagne,
les éléments que j'y insère doivent rentrer dans un schéma mental.
Le problème, c'est que je suis conscient que c'est complètement c**.
Mais je ne peux pas faire autrement.
Je pense en arborescence, donc j'ai besoin de prendre le temps d'avoir des racines profondes (et invisibles pour les joueurs), juste pour "moi comprendre univers".
Exemple :
- Je ne peux pas me contenter de "Un grand méchant menace le pays".
Je veux savoir pourquoi ?. Donc, je remonte. - "Un grand méchant menace le pays parce qu'il veut se venger du vol d'un puissant artefact lors d'un conflit précédent." Je veux savoir pourquoi ? le grand conflit, pourquoi l'artefact. Donc, je remonte.
- "L'artefact a été fabriqué par bidule le magicien, pour que le grand méchant s'en serve. Bidule le magicien a trahi le grand méchant et donné l'artefact aux gentils."
- "Le grand conflit était dû à un autre grand conflit...".
- C'était quoi l'autre grand conflit ? Comment on devient magicien ? À quoi servait exactement l'artefact ?
- "L'artefact permettait d'appeler la pluie, parce qu'il a été fabriqué à partir d'une larme de la déesse de truc truc"...
- ETC ETC ETC ETC
- Jusqu'à arriver à la question suivante : l'œuf, ou la poule ?
L'œuf ou la poule
J'y reviens toujours, comme quoi, cette première étape est plus un voyage philosophique qu'une tentative de préparer une campagne de jeu de rôle.
Un voyage pour retrouver une idée que j'aime, et qu'il y a dans tous mes settings de jeu, mais que j'oublie à chaque fois, parce que je ne la formalise pas.
Je considère que ce processus est terminé
lorsque j'ai obtenu mon, "Ta Gueule C'est Magique",
la clé métaphysique dont j'ai besoin.
Le sentiment de déjà-vu
Tout a déjà été fait.
Ce qui compte, c'est la manière.
Rien n'est original.
Toussa Toussa
Merci philobro, je l'avais vu sur Facebook cette phrase.
N'empêche que moi, dès que je commence un truc nouveau,
j'ai une résistance qui s'enclenche : "tu l'as déjà fait"
"pourquoi tu réinventes ça, ça existe déjà"
"la réf est beaucoup trop évidente"
Je SAIS que c'est stupide.
Mais passer au-delà demande un effort.
Ce passage de "ce n'est pas original" à "c'est trop bien"
est nécessaire pour que je sois satisfait.
C'est la deuxième barrière mentale à surmonter.
L'effort nécessaire est disproportionné malheureusement...
Sauf que j'ai pris mes neurones et j'ai fait un nœud.
(J'espère que ça n'a pas réduit mon espérance de vie)
Je vous explique.
La solution : "prends tes barrières mentales, et fais en la racine métaphysique de tes campagnes"
J'ai arrêté tous mes "vrais" projets de campagne.
Et je me suis dit :
"ok vieux, il serait temps d'arrêter d'être con.
Tu vas prendre ton métaconcept doudou,
celui que tu traines depuis longtemps.
Tu vas en faire un truc formalisé.
Que tu pourras réutiliser à chaque fois.
Peu importe le pitch de ta campagne,
peu importe le cadre de jeu,
peu importe le système.""Mais, c'est trop long, je suis même pas sûr d'y arriver,
et puis j'ai envie de lancer une cam..."
bruit de gifle
- "Je ne le répèterai pas deux fois.
Au boulot."
J'ai donc essayé de reprendre tout mon processus,
de le formaliser, de le simplifier,
en créant une sorte de "fausse campagne",
et en notant toutes mes difficultés.
Sans prendre de raccourcis faciles,
en cherchant activement à en ressortir
des outils que je trouve satisfaisants.
C'est l'origine de ce blog.
Identifier mon pattern récurrent
On a parlé plus haut de mon besoin
d'avoir un TGCM métaphysique dans chaque campagne.
Le truc, c'est qu'ayant remarqué que c'est un peu toujours le même,
j'ai décidé de le ranger quelque part pour le retrouver facilement.
Je crois que ça me vient de plusieurs fictions différentes :
- A commencer il me semble par Rêves de Dragons, que je connais très mal, mais qui a instillé dans mon esprit le délire consistant à penser le monde de jeu comme le produit de l'imagination de quelqu'un. On pète le 4ème mur et on insert "l'auteur" dans le diégèse.
- J'ai toujours été fasciné par notre nature, qui consiste à essayer de regrouper des faits dans des cadres, sous forme de concepts / de mots, pour alléger le travail du cerveau. Dire "ah, ça, c'est comme une sorcière", ou bien "les samouraïs, c'est comme les chevaliers, mais au Japon". Cette sorte de raccourci naturel de notre esprit. Contre lequel il faut activement lutter pour accéder au "vrai", tout en sachant qu'on doit compter dessus pour ne pas être simplement perdu.
- Cette même nature qui nous pousse à coller les faits les uns à la suite des autres pour former des histoires
- Cela se traduit par des sortes de motifs narratifs, qui font les contes et légendes, les croyances et les mythes
- Un jeu comme City of Mist renverse ce phénomène, inversant l'œuf et la poule. L'idée étant que les mythes essayent de s'ancrer dans la réalité. Presque comme si leur existence précédait notre réalité.
- On peut encore retourner le concept, en partant du principe que c'est la pensée humaine qui invente les mythes, formant une sorte de sphère de la pensée (noosphère), pour qu'ensuite, les mythes essaient d'entrer dans la réalité, et qu'en altérant le réel, ils altèrent à nouveau la pensée humaine, qui développe de nouvelles croyances, et donne lieu à d'autres mythes, etc. ETC. Dans une boucle sans fin.
REMARQUE : j'avais fait une vidéo qui illustre bien ce concept ici -> Open in new tab
En faire un méta concept de mon multivers
Partant de cette idée globale d'une interaction entre "le monde des histoires et de la pensée", et "le monde physique qui sert de cadre à la campagne", j'ai décidé d'intégrer "la nature humaine qui consiste à raconter des histoires" comme une entité qui sera au centre de mon multivers de campagne.
Je fais donc le deuil de l'idée de créer un setting commun à toutes mes campagnes pour le moment.
Je monte d'un niveau conceptuel, et je considère que toutes ces campagnes ont la même origine.
Et je formalise ça.
Voilà ce qui est en ressorti, c'est un copy pasta.
(c'est chaud, j'ai vraiment l'impression de vous montrer un slip sale, tellement c'est personnel et dégueulasse.) :
Back Up Théorie Bullshit (c'est son vrai nom dans mon Notion)
Au début, il y a eu le Premier Peuple (notre humanité), une espèce en déclin, déconnectée de la réalité matérielle, fasciné par son passé, insensible à son présent, inquiétée par son avenir. Le premier peuple craignait de disparaitre.
Le Premier Peuple cherchait à sauvegarder son histoire sous une forme cyclique, afin de devenir virtuellement immortel. Si la pensée humaine pouvait infuser d'autres réalités quantiques que celle perçue par les sens humains, alors l'humanité ne disparaitrait jamais vraiment. Les plus grands savants créèrent donc la Trame, une entité informe, super complexe, ça sert à rien d'essayer de comprendre. Le but : sauvegarder la mémoire humaine.
La Trame initiale consiste en une sorte de grand scénario, censé permettre au monde de renaître de ces cendres et à revenir à son état initial, faisant en sorte que l’histoire se répète et que le Premier Peuple puisse mener toutes les expérimentations qu’il souhaite sans courir le risque d’une extinction totale.
Mais la Trame initiale n’a jamais fonctionné. Des factions aux agendas divers s’en sont mêlée et ont saboté la Trame.
Certains individus ont cherché à influencer la Trame pour favoriser leur future version d'eux mêmes, changeant les paramètres de l'équation de l'histoire à leur avantages.
D’autre intervinrent de manière plus radicale, porté par leurs idéologies propres.
Certains voulaient trafiquer la Trame pour qu’elle ne fonctionne pas du tout : il s’agit du mouvement dit de l’Umbra, qui croit que si nouveau monde, il doit y avoir, celui-ci doit être pur, et donc ne subir aucune intervention du Premier Peuple. Leur plan A a échoué. La Trame est bien vivace. Mais leur plan B est toujours en cours : à chaque redémarrage de la Trame, des agents conditionnés tentent d’enrayer la Trame.
D’autres pensaient que La Décadence du Premier Peuple était dû à un confort et un pouvoir bien trop important. Ils créèrent le **Cendreux, une entité qui reviendrait détruire le monde, encore et encore, pour que la Trame se renforce crise après crise et évolue jusqu’à produire un monde parfait.
Ce sont les agents du Cendreux qui activèrent la fin de la réalité du premier peuple et activère la Trame dans toutes les autres, alors que la Trame n’était pas du tout fonctionnelle.
Le Premier Peuple disparu. Des milliers d’histoires allaient pouvoir commencer.
Et en fait, tout ce bullshit, je le sais, aura très peu d'impact sur ce qui sera joué dans les campagnes.
Par contre, ça change tout au niveau de la fameuse pensée en arborescence.
Peu importe les thèmes, l'esthétiques, les inspirations de ma campagne,
j'ai désormais une sorte "de concept racine intradiégétique" qui peut absolument tout justifier.
J'ai intégré l'auteur, et tous les tropes que je puisse imaginer et découvrir, comme quelque chose qui peut influencer l'univers de jeu directement.
C'est ma manière à moi de hacker mon cerveau.
En faire une ressource exploitable
J'ai poussé le concept un peu plus loin. Pas d'inquiétude, cette fois-ci, c'est quelque chose qui pourrait vous servir à vous.
Partant de l'idée qu'une Trame existe dans tous mes univers, j'ai commencé à en lister le contenu. Les figures, les lieux, les événements. J'y mets tous les tropes que j'identifie comme tel.
En voilà quelques uns (non exhaustif) :
LES DAMES :
- LA DAME DE CŒUR (Assistance) : la dame cherche à aider un héros à s’élever de manière interventionniste
- LA DAME DE PIC (Manipulation) : la dame cherche à manipuler le héros pour s’élever elle même
- LA DAME DE TRÈFLE (Messagère) : la dame cherche à aider un héros de manière subtile
- LA DAME DE CARREAUX (La Cadette) : cherche à défaire les plans de ses ainées
LES ROIS :
- LE ROI DE CŒUR (Statu quo) : le roi cherche à défendre son royaume
- LE ROI DE PIC (Conquérant) : le roi cherche à agrandir son royaume
- LE ROI DE TRÈFLE (Fou) : le roi nourrit des projets dans lesquels le royaume n’est qu’un outil.
- LE ROI DE CARREAUX (Faux roi) : le roi délaisse sa charge qui est trop lourde
LE CENDREUX :
- LE CAVALIER (Celui qui croit être le héros) : Cherche à devenir plus fort pour repousser quelque chose
- LE SEIGNEUR SOMBRE (Celui qui croit devoir être le roi) : cherche à dominer toute chose
- LE TRICKSTER (L’ennemi intérieur) : Celui qui veut faire tomber le monde connu
- LE FAUX PROPHÈTE (L’appel de la catastrophe) : Celui qui provoque une prophétie autoréalisatrice
Le but, c'est de me créer une base de donnée de tropes, bien identifiés, que je peux regarder droit dans les yeux, dont je peux voir les nuances. C'est ma manière à moi de contourner la deuxième barrière, le fameux : "tu l'as déjà fait, c'est pas original".
En découpant la catégorie "grand méchant", ou la catégorie "mentor au service de", ou encore, "personnage qui influence l'histoire à travers le héros", en plus petits bouts, bien identifiés, j'étoffe ma liste, et je peux choisir ces petits bouts en sachant précisément si "oui, ça je l'ai déjà fait dans ma dernière campagne", ou "non, celui là ça fait longtemps que je l'ai pas sorti".
Conclusion
J'ai l'impression d'avoir déjà fait le plus gros.
D'avoir, au moins temporairement, levé les deux barrières.
Ces premiers articles étaient super "perchés".
Je vais pouvoir redescendre d'un cran,
c'est cool.
J'ai déjà commencé à créer un setting avec ces outils.
Je me suis basé sur planegea, un setting de la 5e edition de D&D.
Je ne suis même pas sûr d'y jouer.
En fait, je commence à être assez confortable
d'en l'idée de ne pas avoir de campagne prévue pour le moment.
Ce que cette "fausse campagne" que je prépare me permet,
c'est de tester des outils.
Pour me préparer pour ma prochaine Grande Campagne.
A la revoyure ! (et n'hésitez pas à utiliser mon slip sale)