Le Bac à Fables

Avant de passer à la suite...

En écrivant ces lignes, j’écoute ça : Open in new tab

Dans mon article précédent, j’ai constaté un malaise : de nombreuses campagnes de jeu de rôle m’ont déçu. Je suis parti en envolées lyriques.

Maintenant, j’ai envie d’agir. J’ai déjà commencé, en réalité, depuis plusieurs semaines.

J’expérimente des trucs. J’en ré-applique d’autres que j’avais laissés de côté.

Dans mes prochains articles, je vais probablement me concentrer à nouveau sur du plus "jeu de rôle".

Mais j'ai l'intuition que parler de créativité en général, ça apporte aussi quelque chose. Me contenter de parler "techniques de jeu de rôle", c'est comme brûler une étape.

Donc... Je vais encore parler de moi. (Et peut-être de toi)

On nous a tendu un piège

On va parler du circuit de la récompense, de créativité, et de neurobullshit. Parce que je ne suis pas neurologue, mais je vais faire comme si.

En gros, le circuit de la récompense, c’est un circuit neuronal, une sorte de système qu’on a dans le cerveau, qui joue sur la motivation, le désir, le plaisir et tout le tintouin. Il parait que ça nous aide à survivre à la base. Génial !

Pour faire simple : quand on fait des trucs “cool”, une partie du cerveau sécrète de la dopamine et on est content. C’est la récompense.

Et quand le cerveau reçoit cette récompense, cela influe ensuite sur une autre partie du cerveau qui sert à la prise de décision.

C’est le cortex préfrontal à ce qu’il parait (coucou Cortex !). Et lui, il va chercher des récompenses à nouveau. Il apprend.

Le problème, c’est que parfois, il perd l’équilibre. On le conditionne mal, on l’empoisonne. Ça ne se fait pas d’un coup d’un seul. C’est la dose qui compte.

“Rien n’est poison, tout est poison, seule la dose blablabla”

Mes deux sources de dopamine

Comme toi (peut-être), je suis un créatif et un rôliste, et aussi, je partage des trucs sur internet.

Il y a donc deux pratiques qui me font plaisir :

Cette combinaison création / partage se traduit en plusieurs processus. On va aller crescendo, en faisant des petits schémas.

Quand je mets un (+), c'est du positif
Quand je mets un (+/-) ça dépend
Quand je mets un (-) c’est négatif

En pratique, qu’est-ce que je fais ?
C’est quoi le processus ?
Qu’est-ce que ça provoque ?

Processus A : La petite vidéo concept que je publie dans la journée

Réflexion (+/-) → rédaction/capture (+/-) → partage (+)

En gros, c’est facile et rapide.
En général, c’est plaisant.

Processus B : La découverte d’un nouveau jeu, le petit test sur quelques sessions, la vidéo

Découverte d’un nouveau truc (+) → jeu (+/-) → rédaction/capture (+/-) → partage (+)

C’est un peu plus long. J’éprouve beaucoup de plaisir à découvrir quelque chose de nouveau. C’est excitant. Les parties test sont sympas, parfois, la pratique est moins cool que la découverte. Je partage mon expérience, je suis content.

Processus C : La préparation d’une grosse campagne, avec tout ce que j’aime dedans, où on tisse des liens avec les joueurs, et que, depuis plus récemment, j'ai essayé de partager sur internet.

Sensation que je ne sais plus faire, la flemme, j'ai trop d'idées concurrentes (-) → je me retrousse les manches, réflexion, déception, poubelle, je recommence, il faut trouver une idée simple, qui tienne dans le temps, sur laquelle construire… ( - - ) → Je mets le doigt sur quelque chose qui me fait vraiment envie, il faut préciser (+ +) → L'idée est claire dans ma tête désormais, j'ai des grandes intrigues, une carte mentale (+ + +) → création de la structure, les brouillons deviennent des idées précises, connectées, tangibles (+ + +) → On joue et je continue d’étoffer tout en partageant (+ + +)

Alors lequel de ces processus est le mieux ?

Si on fait un "ratio" (+/-) :
A = 1.5
B = 2
C = 3.67

Le processus C a le meilleur "ratio",
plein de plaisir chimique, youhou !
Mais il y a un problème…

Conflit Interne

On passe au niveau suivant.
C’est un peu plus compliqué
que ce que je viens de décrire.

En fait, le cerveau préfère naturellement
les récompenses rapides et fréquentes.
Il aime les récompenses à court terme.

Il va donc me pousser à enclencher les processus A et B,
au détriment du processus C.

On va refaire des petits schémas.
A = processus A,
B = processus B,
C = ok tu as compris

Chacune des étapes d'un processus me fait scorer
soit du positif, soit du négatif.
Si je les mène à leurs termes, ils me donnent ces scores :

A = +1,5, B = +2, C = +3,67

Et voilà ce que ça donne en réalité,
quand les processus se croisent :

A (1,5) + C incomplet (-3) + B (2) + C incomplet (-3) + A + B + C incomplet, etc…

Pourquoi “C incomplet” ?

Parce que je ne vais pas au bout.
Et les premières étapes de C sont essentiellement négatives,
je ne peux même pas faire un ratio,
parce qu'on ne peut pas diviser 0.
Je les comptent donc comme un -3 brupt.
Et malheureusement j'y repasse en boucle,
dans ces étapes toutes nulles,
“scorant” des mauvais points,
sans arriver dans la phase positive du processus.

Par conséquent, je vais me réfugier
dans les processus A et B
pour trouver du plaisir plus prévisible
et surtout, plus rapide.

Et là, le score est bof, tout juste positif, voir négatif.
Par exemple une semaine bien bourrine,
où je fais plein de vidéos,
pour compenser le désarroi de ne pas réussir
à lancer une "bonne campagne" ...
ça donnerait ça :

A + B + C inc + A + C inc = -1

C'est pas terrible.....

"Il vaudrait mieux ne faire que du C, et le mener jusqu’au bout, n'est-ce pas ? N'EST-CE PAS ?"

Oui, mais non !

Le cerveau ne marche pas tout à fait comme ça ! Encore une fois, il faut aussi des récompenses à court terme. Sinon, le risque, c’est d’être dans de longs cycles négatifs / positifs.
Et je ne pense pas que ce soit vivable non plus.
Surtout que la durée de la traversée du désert initiale du processus C est totalement imprévisible pour moi à l'heure actuelle.

Tu te reconnais un peu ? Si c'est le cas, je vais te parler des solutions que j'ai trouvées. Mais prends bien garde : elles n'ont rien de révolutionnaire. Seulement... elles marchent bien pour moi en ce moment.

Les solutions de ton coach en développement personnel

Voici les super hacks de milliardaire que j’utilise.

Décomposer les gros projets

“En découpant les gros projets en petites étapes, on te promet que tu iras mieux ! Chaque étape franchie est déjà une petite récompense !”

Pour moi, ça ne fonctionne que partiellement.

Je t’explique.

Comme tu l’as vu plus haut,
j’ai déjà les grandes étapes de mon processus établies.
Certaines de ces étapes peuvent être découpées en plus petites étapes encore.

Par exemple, en ce moment,
je découpe mon cadre de jeu en régions
et je détaille chaque région sur une double-page d'un grand carnet.

Lorsque j’ai rempli ma double-page, je suis content ! C'est réplicable, ça me prend une heure ou deux.

Autre exemple : On conseille souvent de ne pas TOUT préparer en amont de la campagne, de préparer à la session pour rester souple et prolonger le plaisir d'étoffer l'univers tout au long de la campagne. C'est très vrai, même si j'aime avoir préparé un cadre important avant la première session, je continue de préparer tout du long de la campagne.

Mais ces petites astuces ne sont applicables qu’après les premières étapes dans lesquelles je ne trouve pas particulièrement de plaisir, et qui sont bien trop chaotiques pour être découpées proprement en un processus réplicable, mesurable, avec la certitude d'avoir avancé, d'avoir fait le bon choix...

Et je t'arrête tout de suite.
J'ai essayé les raccourcis : commencer à jouer avec une petite idée court terme et voir ensuite, ou jouer une campagne "du commerce".
Cela ne marche pas chez moi.
J'ai détaillé ça dans mon article précédent ICI Open in new tab

Bref, je pense que découper un projet est une bonne approche,
mais c'est insuffisant pour moi dans le cas spécifique de "la campagne ultime",
il y a un problème plus profond qui ne se situe pas au niveau du "projet de campagne" lui même.

Déconditionnement

Le plus gros angle mort,
le piège ULTIME,
celui qui était tendu
depuis le début de cet l’article…

C’est celui de se définir comme “un créatif” et “seulement un créatif”.

Je me cite :
Il y a donc deux pratiques qui me font plaisir :
Créer et jouer au jeu de rôle
Puis partager pour prolonger le plaisir

C’est l’erreur grossière que j’ai faite.
Me limiter à ça.
Me dire que, là où se trouve mon plaisir,
là où je dois être génial,
c’est seulement dans CE domaine.

Je suis naturellement un peu obsessionnel,
et j’ai renforcé cette obsession,
encore et encore,
jusqu’à trouver de moins en moins de plaisir ailleurs.
Et même, jusqu'à en ressentir de moins en moins tout court.

La solution ?

Reconditionnement.

Depuis 1 mois et demi, je lis, je fais du sport ET je crée tous les jours. Je peux donc dire que je suis un lecteur, un sportif et un créatif. Et ça, c’est quand même BEAUCOUP plus agréable.

C'est con hein ?
Mais pour faire ça,
il faut quand même sortir la tête du guidon.

Démêler les processus

La clé pour moi, elle se trouve dans la routine.

Ces dernières années, j'avais tout construit autour de deux blocs flous,
"travail" et "pas travail"...
Et tout ce qui n'était pas du travail, ça devait être de la créativité.

Les processus court terme, qui donnent vite une récompense,
comme les processus long terme,
tout mélangés.

Et naturellement, les processus court terme A et B (partager des conseils et tester des nouveaux trucs) vampirisaient le processus long terme C (celui des campagnes qui me comblent).

Parce qu’ils étaient trop “proches”, trop liés,
trop associés à un même état d’esprit,
à une même posture, à un même personnage,
le “Hugo qui crée et partage des trucs”.

Quand j’avais une campagne en court,
un autre livre de jeu de rôle sur la table de chevet,
deux vidéos à monter sur le PC,
et un oneshot à préparer sur des fiches pêles mêles sur le bureau…
Je me cramais et je mélangeais tout.

Pour me détendre, j'ouvrais youtube,
qui me proposais 15 vidéos de jeu de rôle,
ces vidéos me donnaient alors des idées,
et je me mettais à les noter compulsivement
à rajouter des trucs dans l'agenda.
Au passage, ces vidéos me donnaient aussi envie de lire un nouveau jeu.
Et du coup, il fallait que je prépare une partie !
Puis une vidéo de retour de partie !
Mais bon, la journée se terminant, je me disais : "on verra plus tard"...
Alors j'allais sur discord... "Oh ! Un débat !" ...

Bref.
Ca c'était le "pas travail".
Un truc flou.
Qui fatigue.

ATTENTION : J'ai quand même sortie 2 à 3 vidéos et joué plusieurs parties de jeu de rôle par semaine dans la même période.
Je ne pense donc pas être un flemmard, ni avoir manqué d'une certaine forme de "productivité"...
C'est plutôt un manque de priorisation.
Une oscillation permanente entre hyperactivité et hyperdéception,
rush et épuisement.
Et surtout, à n'en avoir tiré presqu'aucune satisfaction profonde depuis environ un an.

Le changement a été relativement simple à mettre en place,
c'est ça la bonne nouvelle.

Reprendre le contrôle du temps

Je travaille de chez moi,
et j’ai très peu de contraintes horaires
à part des réunions.

C'est quelque chose de volontaire.
Je suis très content d'avoir cette liberté.
C'est un luxe.
Mais je réalise à quel point
je ne l'ai pas exploitée correctement, cette liberté,
ces 5 dernières années.

Avec ma tendance naturelle à "vouloir tout faire pour être tranquille ensuite",
je blindais mes débuts de semaine.
Je détestais me coucher sans savoir que "tout était fait".
C'est seulement après que je pouvais passer au gros bloc "pas travail".

C'est évidemment totalement incompatible avec les projets au long terme.
Qu'il s'agisse de travail ou de créativité perso.
Cela m'amenait à me coucher tard pour "finir un truc",
je n'arrivais pas à reporter à demain (à part pour ce projet de "super campagne" bien sûr, celui là, je le reportais toujours).

Le pire, c'est que je ne suis pas forcément surchargé de taff au niveau pro.
Je fais moins d'heures que la plupart de mes potes salariés.
Mais j'étais tellement obsédé par le fait de "vider mon agenda" (la récompense pour le cerveau), que le travail était une priorité constante.

Je manquais de discipline.

Compartimenter le quotidien

Multiplier les activités variées chaque jour
a eu un effet ultra positif à l'égard de tous les problèmes susmentionnés.

En intégrant des routines quotidiennes
(plutôt qu'un gros découpage hebdo)
et surtout beaucoup plus variées,
je compartimente beaucoup mieux.
J’ai intégré le sport et la lecture,
deux processus utiles à court et long terme,
et qui récompensent le cerveau à chaque itération.

Si à la fin de ma journée, j’ai fait du sport et lu,
j’ai eu deux récompenses rapides,
qui n’ont pas de rapport direct avec la fameuse création de campagne.
C'est tellement plus agréable de me coucher en me disant : “c’est pas grave si j’ai pas encore d’idée de campagne,
j’avance sur autre chose pendant ce temps là, qui n'a rien à voir”.

Désormais ça donne ça en gros :

J'aimerais bien remettre de la musique là dedans,
mais je pense que dans l'immédiat,
ça déstabiliserait ce que j'ai mis en place.

C'est bête de simplicité hein ?
Bref !

Le pas de côté mental est le suivant : Je ne trouve plus du plaisir à “produire un résultat” ou à "vider l'agenda" chaque jour.
Je prends à présent mon plaisir à avancer chaque jour dans différents domaines.

Je supporte beaucoup mieux
l'idée d'avoir encore du taff pro,
mais de le laisser reposer,
pour aller écrire cet article.

Ou encore (dans le domaine qui nous intéresse)
d'avoir passé deux heures à jeter des idées de campagne à la poubelle,
parce que je sais que le lendemain,
j'ai deux nouvelles heures à accorder au jeu de rôle,
avec les idées plus claires grâce au tri que j'ai fait aujourd'hui.
Et si demain encore, je dois juste faire du tri,
c'est pas grave, parce que j'aurais fait mon sport.

En mettant des créneaux pour chaque domaine chaque jour,
j'ai la certitude d'avancer au moins sur l'un d'entre eux, même si un autre doit sauter.
Et en réalité, j'avance sur tous la plupart du temps.
Et à la fin de la semaine, j'ai globalement progressé BEAUCOUP plus PARTOUT que dans mon organisation précédente.
En étant MOINS frustré et MOINS fatigué.

CONCLUSION

Pour éviter d’empoisonner mon cerveau,
j’ai consciemment décidé de ne plus être qu’un créatif.
Mes deux passions principales restent les mêmes : inventer des trucs et les partager, à travers le medium jeu de rôle.

Mais j’ai modifié mon système pour en profiter au maximum,
et réintégrer d'autres choses qui participent à un meilleur équilibre.

En résumé :

Ladite organisation n'est pas réplicable par tout le monde. On a tous des contraintes différentes. Et pas les mêmes objectifs. Donc ce n'est pas un conseil à mettre en place. Peut-être que tu ne t'es absolument pas reconnu dans ma situation.

Mais j'avais envie de partager mon expérience personnelle.
Comment j'ai essayé de surmonter un problème actuel.
Je pense que ça peut parler à des indépendants,
ou à des créatifs un peu obssessionnels comme moi.
Statistiquement, il y a une personne a qui ça va parler, j'en suis sûr.

Et qui sait, peut-être que ça l'aidera à faire une petite analyse de sa situation, et à trouver ses solutions propres !

Merci de m’avoir lu.

A la prochaine !